Les risques sur l’environnement des traitements médicamenteux des anim
Focus

Les risques sur l’environnement des traitements médicamenteux des animaux

Mots clés

Les résidus de médicaments vétérinaires, leurs métabolites et produits de dégradation, issus ou non de pratiques agricoles et présents dans l'environnement, sont des micropolluants, substances indésirables détectables dans l'environnement à très faible concentration. La présence de micropolluants peut engendrer des effets négatifs sur les organismes vivants et les écosystèmes en raison de leur toxicité, de leur persistance, de leur bioaccumulation ou de leurs interactions et transformations dans l'environnement.

Le plan d'action national

Ces substances font l'objet d'un plan d'actions du ministère de la transition écologique et solidaire, le plan micropolluants, sur la période 2016-2021. Le plan précédent sur les résidus de médicaments concernait 300 médicaments à usage vétérinaire et était orienté vers la connaissance en matière de pollution des eaux et une meilleure gestion des déchets. Des campagnes nationales exploratoires dans les milieux aquatiques ont été réalisées. Pour faire le point sur l'état de la connaissance de ces risques, le Service de la Recherche du ministère a proposé et soutenu l'académie nationale de pharmacie pour l'organisation de la première conférence internationale sur l'évaluation des risques des résidus de médicaments dans l'environnement « ICRAPHE ». Les premières évaluations de risque montraient un risque direct a priori faible mais réel pour les écosystèmes et infime bien que non nul pour la santé humaine. La conférence s'est tenue à Paris en septembre 2016 à l'occasion du lancement du plan micropolluants. La priorité du plan reste aujourd'hui la réduction à la source des émissions de résidus de médicaments. Il met par ailleurs en oeuvre une étude de faisabilité pour partager des données sur les effets des médicaments sur l'environnement et propose de tester un indice de classement des médicaments, y compris vétérinaires, en fonction de leur impact environnemental.

Au plan de la recherche, l'ONEMA (Organisme National de l'Eau et des Milieux Aquatiques) avait lancé en 2013 un appel à projets « Innovation et changements de pratiques : micropolluants des eaux urbaines ». 13 projets avaient été sélectionnés qui arrivent maintenant à échéance. Les premiers résultats viennent d'être présentés les 3 et 4 octobre 2018 à l'occasion du colloque « micro-polluants et innovations dans les eaux urbaines » organisé par l'Agence de l'Eau Rhin-Meuse et l'Eurométropole de Strasbourg, avec le soutien de l'AFB (Agence Française de la Biodiversité) et du MTES (Ministère de la Transition écologique et solitaire). Des résultats très intéressants issus de travaux en lien avec des situations réelles permettent d'avoir des perspectives en termes de diagnostic, de méthodologie et de réduction éventuelle.

Enjeu de lutte contre l'antiobiorésistance (1)

Le phénomène de résistance bactérienne est devenu préoccupant dès le début des années 90. En 2003, l'organisation mondiale de la santé a officiellement alerté sur les impacts de l'utilisation massive d'antibiotiques en recommandant aux éleveurs de ne plus les utiliser comme facteurs de croissance et de les utiliser prudemment en thérapeutique. Son action, coordonnée avec celle de l'organisation mondiale de la santé animale, se structure autour d'un message, le concept « Une seule santé », celle de l'homme, celle des animaux et celle de l'environnement et un plan mondial de lutte contre l'antibiorésistance lancé en mai 2015.

En France, en 2016, le gouvernement a adopté une feuille de route interministérielle afin de maîtriser l'antibiorésistance. L'un des enjeux est de mieux comprendre la diffusion de la résistance bactérienne dans l'environnement.

L'hypothèse d'une transmission à l'homme ou aux animaux d'élevage à partir de l'environnement n'est en effet pas confirmée, mais il semble difficile de l'écarter. Les bactéries naturellement résistantes sont très fréquemment présentes dans l'environnement, elles peuvent infecter directement des humains ou des animaux, ou servir de réservoirs pour des gènes de résistance. Elles contribuent ainsi à l'enrichissement du pool de gènes de résistance portés par les bactéries pathogènes pour l'homme. La très grande majorité des entérobactéries multirésistantes actuellement isolées serait le résultat d'un tel processus.

Les eaux sont ainsi largement contaminées par les antibiotiques, leurs résidus, les bactéries et gènes de résistance. Les souches bactériennes multirésistantes disparaissent plus rapidement dans l'eau que les autres bactéries. Ces souches, sélectionnées dans le tube digestif des animaux ou de l'homme, ont en effet un désavantage évolutif et subissent un stress important en arrivant dans l'environnement. En revanche, elles peuvent constituer des biofilms et transférer ainsi leurs gènes à des bactéries environnementales. Cet événement qui concourt à la diffusion de la résistance dans le milieu est rare, mais probable. La concentration en bactéries résistantes s'est aussi révélée plus importante aux abords des points de rejets. En revanche, des gènes responsables de la résistance, les intégrons, ont été détectés loin de leur source d'émission. Des travaux récents font état d'un enrichissement progressif du « résistome » environnemental.

De nombreuses publications montrent par ailleurs que la faune sauvage constitue aussi un réservoir important de bactéries résistantes aux antibiotiques, de nombreux marqueurs d'antibiorésistance ont été identifiés dans certaines espèces. Il existe un lien fort entre activités humaines et présence de bactéries résistantes dans la faune sauvage. Cette dernière constitue donc un réservoir potentiel de dissémination de bactéries résistantes, vers l'environnement, les animaux domestiques et les humains.

Le sol héberge enfin une quantité et une diversité importante de bactéries. Un hectare de sol renferme ainsi plus d'une tonne et demie de bactéries. Il est probable que les eaux contaminées contribuent à enrichir ce milieu en antibiotiques ou en bactéries résistantes. Un lien entre la résistance aux métaux lourds et la résistance aux antibiotiques des bactéries du sol est très fortement suspecté. On parle alors de résistance « associée » et ceci concernerait aussi les biocides et éventuellement les pesticides. Après épandage de fumiers, le fort développement de résistances aux antibiotiques pourrait aussi être lié aux bactéries déjà soumises hors sol à des antibiotiques et non pas aux résidus d'antibiotiques eux-mêmes.

En termes de solutions, différents traitements tertiaires pour la diminution des bactéries résistantes ou des résidus médicamenteux sont proposés pour la dépollution des eaux, par exemple en sortie de station d'épuration. Dans les sols, éliminer la contamination est difficile, même si certains mécanismes intrinsèques de dépollution, par suractivité microbienne en présence du polluant, sont parfois constatés. Une seconde solution est l'inactivation de la molécule au moment de son rejet. Ce procédé existe pour certains anti-cancéreux. Les effluents d'élevage sont majoritairement épandus bruts, après simple stockage. Les antibiotiques peuvent y être présents. Les traitements de méthanisation et surtout de compostage seraient susceptibles d'atténuer la contamination en antibiotiques.

Le Service de la Recherche du Ministère de la Transition écologique et solidaire mobilise actuellement la communauté scientifique autour des questions suivantes :

  • Quelle est la contamination des différents compartiments par les antibiotiques, leurs résidus et les bactéries résistantes ? Quels sont les mécanismes de sélection et de transmission des concentrations de l'antibiorésistance dans l'environnement ? En 2017, en parallèle d'une saisine de l'ANSES(Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) dont les résultats sont attendus en 2019, le Service de la Recherche a proposé que soit dédiée une part de son financement annuel du Programme national de recherche environnement santé travail de l'ANSES pour le lancement d'un appel à projets spécifique « antibiorésistance et environnement ». 6 projets ont été sélectionnés représentant un soutien de 633 k€ pour 5 projets soutenus par le Service de la Recherche / CGDD, 163 k€ pour un projet soutenu par l'ADEME.
  • Quelles sont les solutions efficaces pour lutter contre cette contamination de l'environnement ?

Le ministère a financé une revue systématique de la littérature, menée par l'INSERM avec l'appui de la Fondation de la Recherche sur la Biodiversité, d'un groupe d'experts de différents instituts. Les premiers résultats, notamment ceux d'une méta-analyse sur le traitement des déchets, seront présentés lors du colloque interministériel annuel sur l'antibiorésistance du 14 novembre 2018, qui portera sur la recherche.

Logotype : Antibiotiques, ils sont précieux, utilisons-les mieux

 

 

 

Infographie dissémination des antibiotiques dans l'environnement

(1) Source / pour en savoir plus : Théma du Ministère de la transition écologique et solidaire « Antibiorésistance et environnement », février 2017

Source :

Cet article est issu du « Dossier-ressources Agriculture & Alimentation » et édité par le Réseau Régional Éduquer en Santé-Environnement Occitanie. 

Couverture DR alimentation et santé

 

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